Lavaudieu:
Commune du département de la Haute-Loire, région d’Auvergne
227 habitants
Abbaye romane classée monument historique en 1662
Zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) depuis 1995
Plus beau village de France
Situé dans le pays d’art et d’histoire du Haut-Allier et le parc naturel régional du Livradois-Forez
La Pierre d’Angle : Votre commune s’est dotée d’une ZPPAUP depuis près de quinze ans. Il n’y en a que six dans le département. Quel bilan pouvez-vous dresser ?
Pascal Piroux : Les habitants jouissent d’une qualité de vie à Lavaudieu et sont fiers de leur village. Le patrimoine est un outil de développement quand les élus sont motivés, et la ZPPAUP les aide face aux demandes ou aux reproches. Les municipalités successives ont su s’approprier le formidable patrimoine de la commune en s’appuyant sur les règles connues de tous et durables. Sans aucun doute la nouvelle municipalité que je conduis saura continuer cette action. Il y a vingt ans, je n’aurais peut-être pas eu cette même attention. C’est Andrée Perrey, le maire précédent, qui m’a initié et motivé. Elle avait créé la ZPPAUP avec l’ABF de l’époque, Jean-Pierre Gonnelle, auquel a succédé Jacques Porte. Les Lavaldéens s’investissent de plus en plus dans les animations du bourg : la fête du pain, la vogue où la fête de “la barrique”, le dimanche qui suit le 14 juillet; cette tradition remonte à la Révolution pendant laquelle les caves à vin des abbesses avaient été réquisitionnées. Nous avons aussi depuis quarante ans une association très active, Valleis Dei, qui organise des concerts, des expositions, et gère notre musée d’Art et des Traditions populaires avec des guides du pays d’art et d’histoire. Les Amis de Lavaudieu, eux, entretiennent le jardin de l’abbaye créé en 2004.
Votre bourg est-il figé à tout jamais ?
Certainement pas ! Nous avons toujours des projets pour les habitants et la ZPPAUP nous aide à obtenir les aides publiques. Nous avons reçu des aides pour l’enfouissement des réseaux câblés. Les deux tiers des rues viennent d’être refaites. Propriétaire de terrains bien placés, la commune envisage également de créer des constructions neuves pour l’habitat social et un local pour les chasseurs. La ZPPAUP n’interdit pas de construire ; elle préserve les vues sur le bourg et encourage le développement des activités. Notre bourg est recherché par les cinéastes, ainsi Les Rivières pourpres ont été tournées chez nous.
Qu’en pensent vos concitoyens ? N’y a-t-il pas des surcoûts générés par les prescriptions architecturales ?
C’est vrai qu’au début, les prescriptions ont été ressenties comme générant des surcoûts. C’est moins vrai aujourd’hui car les travaux réalisés sont de qualité durable. La commune a d’ailleurs montré l’exemple. Quand nous avons aménagé la nouvelle mairie dans une ancienne grange, nous avons employé des matériaux et utilisé une mise en œuvre traditionnels. Je retrouve à l’intérieur de certaines maisons restaurées le même niveau de prestations alors qu’il n’y a là aucune obligation.
Trouvez-vous les compétences techniques auprès des artisans locaux ?
La ZPPAUP a créé le besoin de compétences traditionnelles. Certains artisans ont développé ou retrouvé un savoir-faire spécifique et se sont spécialisés. Je pense, entre autres, au maçon Patrick Vallat, exposant au dernier Salon du patrimoine à Paris, qui travaille avec de la chaux grasse, au ferronnier Éric Mas qui vient de terminer pour la commune un garde-corps en fer forgé ; Daniel Bruhat, lui, restaure les couvertures en tuiles rondes et les gênoises, le paveur Philippe Durand vient de terminer la pose de galets sur les rues, et Christian Chapuis intervient sur l’entretien de nos monuments historiques.
Le cahier de recommandations de la ZPPAUP donne de nombreux exemples et précise les détails techniques pour effectuer des restaurations et des constructions de qualité. Vous n’avez donc plus besoin d’ABF !
Le dossier de la ZPPAUP illustré de schémas est un document que l’on peut consulter. Il permet de comprendre les caractéristiques architecturales du bourg, mais les gens ont toujours besoin d’un interlocuteur spécialisé pour les conseiller sur leur projet particulier. Le maire ne dispose pas du temps nécessaire ni de la compétence pour répondre à leurs demandes et la commune n’a pas les moyens de financer un architecte-conseil spécialisé dans le patrimoine. L’appui de l’ABF est appréciable ; les porteurs de projets peuvent le consulter lors de ses permanences.
Peut-on avoir une démarche de développement durable à Lavaudieu avec une ZPPAUP ?
Nous n’avons pas attendu que cela soit à la mode. Les matériaux du pays ont toujours été utilisés en priorité. Le bois, par exemple, plutôt que le PVC ou l’alu pour les fenêtres. Beaucoup d’habitants se chauffent au bois. Les murs épais en pierre isolent bien. L’isolation des toits est renforcée. Nos maisons sont anciennes et continueront à durer ! Nous sommes également très attentifs à la qualité des eaux de notre rivière. L’assainissement du bourg a été réalisé.
Concrètement, quelles sont les relations avec l’ABF lorsqu’il y a un projet important pour la commune ?
Nous le rencontrons toujours en amont des projets. Nous discutons, nous argumentons, ainsi les idées évoluent de part et d’autre. Par exemple, nous avons un jeune qui souhaite s’installer pour créer une distillerie d’huiles essentielles et cultiver des plantes sur des parcelles attenantes. Ce type de projet n’est pas prévu dans le règlement de la ZPPAUP ; avec l’ABF, nous avons donc pu interpréter le règlement de la zone 4 en nous inspirant de la forme des petits bâtiments agricoles. Tout a été réglé avant le dépôt du permis de construire.
Comment envisagez-vous l’avenir du bourg de Lavaudieu ?
Le vieillissement de la population pose un vrai problème. La ZPPAUP n’en est pas la cause. On assiste toutefois à un certain renouvellement : des maisons familiales ont été reprises par un enfant (ou petit-enfant) en résidence principale. Quelques jeunes couples sont venus s’installer en location. Il est important en contrepartie de conserver l’activité agricole, essentiellement l’élevage. Nous avons pu trouver une solution pour l’agrandissement d’une exploitation à l’entrée du bourg. Le prix des maisons a augmenté et il est nécessaire d’offrir des possibilités de logement à prix raisonnable pour des résidences principales. Nous menons actuellement une réflexion avec des bailleurs sociaux pour construire dans le bourg sur un terrain communal.
Lavaudieu fait partie d’une communauté de communes et son président, le maire de Brioude, tente de trouver pour chaque localité un équilibre entre tourisme et économie classique. Lavaudieu ne s’est pas bâtie en un jour, et si tout le monde était libre de faire n’importe quoi, nous perdrions ce qui fait notre identité et nos valeurs. Je souhaite continuer dans ce sens.
Propos recueillis par Jacques Porte, ABF, adjoint au chef du SDAP de Haute-Loire, auprès de Pascal Piroux, maire de Lavaudieu